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Dhafer Youssef rêve éveillé. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Déjà môme, à Téboulba, le village de pêcheurs tunisien où il est né en 1967, il rêvait de parcourir le monde avec un oud, le luth oriental, qu’il avait décidé de faire sien après sa première guitare en plastique, prêtée par un copain. « Tout le monde me disait, tu as une belle voix, chante, mais moi je voulais jouer du oud et je me voyais parcourir le monde avec. »
L’ami prêteur se moquait gentiment de lui, pourtant les choses se dérouleront ainsi. Dhafer Youssef raconte avoir décidé de partir à Vienne, en Autriche, à dix-neuf ans, pour découvrir la musique classique occidentale, rencontrer des musiciens de jazz, aller voir « ailleurs ». Il part avec un oud sur le dos et la niaque au ventre, une détermination stimulante. « J’aime faire vivre mes rêves, sortir tout ce que j’ai en moi », résume celui qui est devenu l’un des musiciens (oud et voix) et compositeurs tissant des liens entre jazz et Orient les plus en vue et talentueux de la planète. « Je suis fier d’être l’un de ceux qui participent à l’émancipation du oud », souligne-t-il.

La découverte de la musique indienne

Quand il débarque à Vienne, après avoir quitté Téboulba, l’élégant quinquagénaire se souvient d’un choc : la vision, pour la première fois, d’un piano à queue, et la découverte de la musique indienne, « un océan rythmique incroyable qui me faisait même remettre en cause à l’époque, ma propre culture rythmique ». Cette découverte, il la doit au joueur de tabla Jatinder Thakur. « Il vivait à Vienne et je l’ai entendu lors d’un concert où il accompagnait le joueur de sarod [instrument à cordes d’Inde du Nord] Ali Akbar Khan. On a joué ensemble, entre nous, moi au oud, lui au tabla. Jatinder Thakur, évidemment, le trouve alors un peu dingue, d’avoir de telles lubies.
Dhafer Youssef publiera dans quelques jours un neuvième album, Sounds Of Mirrors, enregistré entre Mumbay (Inde), Istanbul (Turquie), et Göteborg (Suède), avec Zakir Hussain, le maestro tzigane turc de la clarinette Hüsnü Şenlendirici et l’aérien guitariste de jazz norvégien Elvind Aarset. Un album méditatif au charme envoûtant, dont il a donné la primeur sur scène, en avant-première, début septembre à Paris, au festival Jazz à la Villette, avant de le reprendre en 2019, préférant jouer encore, pour l’instant, dit-il, le répertoire du précédent Diwan of Beauty and Odd, enregistré à New York, en 2016.